Pollinisateurs en ville
đą BrĂšves | Ce que rĂ©vĂšle une Ă©tude amĂ©ricaine sur la prĂ©sence rĂ©elle des insectes
Une Ă©tude publiĂ©e dans Ecology and Evolution le 17 novembre dernier, intitulĂ©e Influence of Environmental Covariates on Pollinator Community Occupancy, Detection, and Diversity in Urban and Peri-Urban Gardens (Ruppel et al.), fournit un ensemble de rĂ©sultats particuliĂšrement instructifs pour comprendre la prĂ©sence des pollinisateurs dans les paysages urbains. Le travail sâappuie sur un modĂšle dâoccupation multi-espĂšces appliquĂ© Ă des observations rĂ©alisĂ©es dans cinquante jardins Ă Richmond (USA). Ses conclusions offrent des points dâattention prĂ©cieux pour lâanalyse de lâactivitĂ© des butineuses en ville comme en pĂ©riphĂ©rie.
đĄPour vous dĂ©sabonner de la rubrique đą BrĂšves, rendez-vous sur votre compte d'abonnĂ© đ§âđ» Les auteurs ont observĂ© les visites dâinsectes sur deux plantes mellifĂšres natives, Liatris spicata et Pycnanthemum muticum, afin de dĂ©terminer comment les facteurs environnementaux influencent la prĂ©sence des pollinisateurs et leur probabilitĂ© dâĂȘtre dĂ©tectĂ©s. Leur approche repose sur un modĂšle statistique utilisĂ© dans la recherche Ă©cologique, le modĂšle dâoccupation multi-espĂšces, capable de distinguer occupation rĂ©elle et observation effective.
Pour les apiculteurs qui suivent lâactivitĂ© de leurs ruches dans des contextes urbains ou pĂ©riurbains, ce type de mĂ©thode permet de mieux comprendre la variabilitĂ© apparente des butineuses et des autres pollinisateurs.


Une diversité plus large que ce que montrent les observations directes
Les chercheurs ont conduit 350 sessions dâobservation dans 50 jardins rĂ©partis sur un gradient urbain clairement dĂ©fini. Lâidentification visuelle a permis de recenser quatorze groupes taxonomiques, dont Apis mellifera, les Halictidae, les Bombus, Xylocopa virginica et plusieurs Vespoidea. Le modĂšle appliquĂ© indique toutefois que dix-huit taxons Ă©taient probablement prĂ©sents, malgrĂ© lâabsence de dĂ©tection visuelle lors de certaines sessions. LâĂ©cart entre prĂ©sence rĂ©elle et prĂ©sence observĂ©e intĂ©resse directement les apiculteurs, car il rappelle que lâactivitĂ© visible au trou de vol ne reflĂšte pas toujours lâensemble de la dynamique Ă©cologique autour du rucher. LâĂ©tude montre une certaine homogĂ©nĂ©itĂ© entre jardins, avec environ cinq Ă huit taxons prĂ©sents selon les estimations, indĂ©pendamment de la distance au centre-ville ou de la taille des parcelles.
Le rĂŽle contrastĂ© de lâurbanisation selon les groupes
LâĂ©chelle urbaine pĂšse moins quâattendu sur lâoccupation des sites. Les modĂšles ne mettent pas en Ă©vidence de variation significative selon la localisation des jardins pour la majoritĂ© des groupes, ce qui suggĂšre que les pollinisateurs exploitent une mosaĂŻque de ressources disponible sur lâensemble du paysage. Quelques tendances ressortent toutefois pour la dĂ©tection. Les Halictidae apparaissent plus souvent observĂ©s dans les jardins situĂ©s au cĆur de la zone urbaine, alors que les Bombus sont davantage repĂ©rĂ©s en pĂ©riphĂ©rie. Lâarticle note que ces diffĂ©rences reflĂštent des stratĂ©gies Ă©cologiques variĂ©es, certaines espĂšces sâaccommodant dâhabitats fragmentĂ©s alors que dâautres tirent profit de zones plus ouvertes et moins minĂ©ralisĂ©es.
Une influence nette de la plante hĂŽte et des conditions locales
Lâun des apports de lâĂ©tude rĂ©side dans la comparaison des deux plantes suivies. Pycnanthemum muticum attire davantage Apis mellifera et plusieurs guĂȘpes sociales, tandis que Liatris spicata favorise la dĂ©tection des Halictidae et du papillon Atalopedes campestris. Les fleurs ne jouent donc pas toutes le mĂȘme rĂŽle dans la visibilitĂ© des pollinisateurs, ce qui renforce lâintĂ©rĂȘt de diversifier les ressources florales. Lâheure dâobservation agit aussi sur la dĂ©tection, avec des probabilitĂ©s plus Ă©levĂ©es en milieu ou en fin de journĂ©e. La lumiĂšre influence la visibilitĂ© des groupes comme nos abeilles domestiques, les Halictidae ou Xylocopa virginica. La date au cours de la saison compte Ă©galement : les abeilles mellifĂšres et les Bombus apparaissent plus faciles Ă dĂ©tecter au dĂ©but des suivis, ce qui rejoint les observations apicoles selon lesquelles les colonies montent en puissance assez tĂŽt par rapport Ă dâautres pollinisateurs.
Un intĂ©rĂȘt direct pour lâinterprĂ©tation de lâactivitĂ© au rucher
Les auteurs insistent sur les limites des inventaires reposant uniquement sur lâobservation. Une absence dâinsecte au moment dâun relevĂ© ne signifie pas absence rĂ©elle. Le modĂšle dâoccupation multi-espĂšces montre que certaines familles sont systĂ©matiquement sous-dĂ©tectĂ©es, malgrĂ© une prĂ©sence confirmĂ©e dans les mĂȘmes jardins. La fiabilitĂ© des suivis dĂ©pend donc de la plante visitĂ©e, de lâhoraire, de la luminositĂ© et du calendrier des floraisons. Lâarticle signale dâailleurs que la floraison de Liatris spicata, plus tardive, rend certains groupes plus visibles lorsque dâautres sont dĂ©jĂ en dĂ©clin. Cette dynamique peut affecter la lecture de la miellĂ©e et la perception que lâon a de la ressource disponible.
Perspectives pour les pratiques apicoles urbaines et périurbaines
Lâarticle met en Ă©vidence la capacitĂ© des jardins urbains Ă accueillir une faune pollinisatrice plus riche quâattendu. Cette constatation soutient les initiatives qui visent Ă renforcer la ressource florale en ville, Ă condition de donner prioritĂ© Ă des plantes adaptĂ©es au contexte local. LâĂ©tude souligne par exemple lâintĂ©rĂȘt de Pycnanthemum muticum, dont lâattractivitĂ© pour Apis mellifera est clairement documentĂ©e. Pour les apiculteurs, lâintĂ©gration de ce type de plante dans des projets partenariaux avec des collectivitĂ©s ou des associations peut avoir un impact mesurable sur la disponibilitĂ© nectarifĂšre et sur la visibilitĂ© des butineuses aux heures dâactivitĂ©.
La recherche menĂ©e Ă Richmond fournit au passage une grille de lecture utile pour interprĂ©ter les fluctuations dâobservation dans les ruchers urbains. Elle rappelle que la prĂ©sence dâabeilles nâest pas uniquement dĂ©terminĂ©e par la structure du paysage, mais aussi par les conditions immĂ©diates de lâobservation et par les choix vĂ©gĂ©taux rĂ©alisĂ©s dans les espaces environnants. Ce constat rejoint les discussions de terrain sur les pratiques de fleurissement, la gestion de la ressource et la place de lâapiculture dans un cadre oĂč la biodiversitĂ© sâinvite dĂ©sormais dans les politiques de vĂ©gĂ©talisation.
Complémément
Référence
Ruppel, C., Anderson, B., Boso, A., & Latimore, J. (2025). Influence of Environmental Covariates on Pollinator Community Occupancy, Detection, and Diversity in Urban and Peri-Urban Gardens. Ecology and Evolution.https://doi.org/10.1002/ece3.72502




