USA – Crise apicole confirmée : vers une désorganisation durable du secteur
📢 Brèves | Des pertes de colonies sans précédent / Suite de notre article publiée le 7 avril 2025
Dans notre précédent article daté du 7 avril 2025, nous relations les premières données préoccupantes issues de l’enquête nationale coordonnée par Project Apis m. et ses partenaires. Depuis, les résultats consolidés de cette étude ont été rendus publics, confirmant un niveau de pertes jamais atteint depuis deux décennies.
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Entre juin 2024 et mars 2025, les apiculteurs professionnels américains ont perdu en moyenne 62 % de leurs colonies, soit environ 1,6 million de ruches. Un chiffre d’autant plus marquant qu’il concerne les exploitants les mieux équipés pour résister aux aléas sanitaires et environnementaux.
Le phénomène ne s’arrête pas aux grandes exploitations. Les apiculteurs de taille intermédiaire enregistrent un taux de pertes de 54 %, et les amateurs atteignent 51 %. Ce renversement des tendances classiques, où les professionnels perdaient historiquement moins de colonies, confirme le caractère systémique et transversal de la crise.
Une alerte élargie et documentée
Si les premiers constats laissaient encore place à des hypothèses, les nouvelles données issues de plus de 840 répondants, couvrant environ 72 % du cheptel apicole commercial américain, renforcent le caractère représentatif de l’enquête. Elles permettent également de cerner avec plus de précision les facteurs contributifs.
Parmi les pistes investiguées : l’augmentation notable de la résistance V. destrictor à l’amitraze, l’effet cumulé de plusieurs virus, l’impact des changements climatiques, et la pression chimique des cultures voisines. Des analyses complémentaires en cours en Californie – sur plus d’une centaine de colonies, à la fois saines et affaiblies – s’intéressent également au rôle du microbiome intestinal, à la diversité pollinique, ainsi qu’à la présence de pathogènes encore non répertoriés.
Conséquences économiques : vers une déstabilisation du modèle
Les données actualisées indiquent désormais que le coût global des pertes – en tenant compte de la pollinisation, du renouvellement des cheptels et de la perte de production – excède les 600 millions de dollars. Les exploitants de Californie, déjà fragilisés par la sécheresse, s’inquiètent pour la prochaine saison d’amandiers, culture dépendant quasi exclusivement des services de pollinisation commerciale. Pommiers, myrtilliers, cerisiers et melons figurent également parmi les cultures sous tension.
Outre les pertes directes, ce sont aussi les flux logistiques, les contrats commerciaux et les mécanismes d’assurance qui se trouvent déséquilibrés. De nombreux apiculteurs envisagent une réduction d’activité ou une reconversion partielle, notamment dans les États de l’Ouest où les conditions climatiques extrêmes s’ajoutent à la pression parasitaire.
Une réponse institutionnelle coordonnée, mais sous tension
Depuis la parution l’article du 7 avril dernier, plusieurs signaux de mobilisation ont été observés. Le laboratoire du Dr Scott McArt (Université Cornell) poursuit ses analyses des résidus chimiques dans le miel, la cire, le pollen et les abeilles. L’USDA, via son réseau de laboratoires spécialisés, renforce la coordination des diagnostics, notamment en matière de dépistage moléculaire.
La Honey Bee Health Coalition, qui regroupe apiculteurs, agriculteurs, industriels et ONG, a annoncé début mai le lancement d’un plan de soutien d’urgence visant à accompagner les exploitations les plus touchées. Ce plan inclut des outils d’aide à la décision, un appui logistique pour la reconstitution des cheptels et un renforcement de la surveillance sanitaire à l’échelle nationale.
Cependant, certains observateurs s’inquiètent d’une réponse encore trop fragmentée face à une crise de cette ampleur. Le financement de la recherche appliquée, en particulier sur la nutrition des abeilles et la gestion intégrée du V. destructor, reste en deçà des besoins réels.
Un avertissement pour l’apiculture européenne
Pour les apiculteurs français et européens, cette situation constitue un signal d’alerte. Le système nord-américain, largement industrialisé, montre ici ses limites face à une cascade de stress cumulés. En France, la généralisation des cultures pauvres en pollen, la variabilité climatique et les résistances croissantes à V. destructor pourraient produire des effets similaires si des mesures préventives ne sont pas prises à temps.
Les pistes d’action sont connues : diversification des sources mellifères, suivi rigoureux des traitements antiparasitaires, limitation de l’exposition aux pesticides, renforcement des dynamiques locales entre apiculteurs et agriculteurs… Bref, rien de nouveau finalement.
Ressources :
Experts investigate cause of massive honeybee colony die-offs - https://phys.org/news/2025-03-experts-massive-honeybee-colony-die.html
New Data Confirm Catastrophic Honey Bee Colony Losses, Underscoring Urgent Need for Action - https://honeybeehealthcoalition.org/new-data-confirm-catastrophi…
Annual U.S. Colony Losses Hit Record High Over Winter of 2024-2025 - https://beeculture.com/colony-loss-survey/