Loi frelon, les comités départementaux arrivent ?
#94 | Magazine | Réglementation | Une organisation qui prend forme après vingt ans de lutte local
L’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le 6 mars 2025, de la loi visant à lutter contre le frelon asiatique représente une avancée attendue depuis plus de vingt ans. Les organisations apicoles n’ont cessé d’alerter sur les effets de Vespa velutina depuis son implantation en France. L’UNAF et la Fnosad-LSA, pour ne citer qu’eux, rappellent combien cette invasion pèse sur les abeilles domestiques, les pollinisateurs sauvages et autres insectes mais aussi l’équilibre économique des exploitations apicoles professionnelles.
Selon Christian Pons, Président de l’UNAF, cette adoption constitue « une grande avancée pour l’apiculture et la biodiversité », car elle met fin à une longue période où les apiculteurs et les associations locales portaient seuls le poids d’une lutte devenue onéreuse et inefficace à l’échelle locale. Le texte entérine une réalité : la lutte contre le frelon asiatique n’est plus un sujet local mais une question agricole, environnementale et sanitaire d’ampleur nationale.
Le cadre instauré : plans départementaux et financement dédié
La loi introduit un plan national de lutte, élaboré avec les services de l’État, les collectivités territoriales et les organisations apicoles. Elle prévoit aussi la mise en place de plans départementaux sous l’autorité des préfets. Ces plans devront adapter les mesures de prévention, de piégeage et de destruction aux spécificités locales.
L’UNAF souligne que ces dispositions répondent à une demande forte du terrain : les apiculteurs demandaient depuis longtemps une coordination publique permettant d’aller au-delà des actions isolées des Groupements de défense sanitaire apicole (GDSA) ou des associations bénévoles. La loi prévoit également l’ouverture de financements dédiés à la prévention et à la destruction des nids, ainsi qu’un dispositif d’indemnisation pour les exploitants subissant des pertes économiques dues au frelon asiatique.
Le décret d’application, en attente depuis le printemps 2025, déterminera les conditions matérielles de ce déploiement. Les organisations professionnelles insistent sur son importance, car il conditionnera l’efficacité réelle de la loi.
Encadré – Pourquoi la loi frelon n’est pas encore opérationnelle
La loi n° 2025-237 du 14 mars 2025 est promulguée, mais ses principales mesures restent en attente des décrets d’application. Sans ces textes réglementaires, plusieurs dispositions centrales ne peuvent pas fonctionner.
Plans départementaux. Les préfets doivent organiser la lutte, mais le cadre précis — composition des comités, protocoles, obligations locales — n’est pas encore défini. Les territoires avancent donc de manière inégale.
Indemnisation. La loi crée un droit à compensation pour les pertes dues au frelon asiatique, mais aucun apiculteur ne peut en bénéficier tant que les critères et modalités ne sont pas fixés par décret.
Financements. Les crédits annoncés pour le piégeage, la destruction des nids et la formation ne peuvent pas être débloqués sans textes d’application.
Conséquence. La loi existe, mais son efficacité dépend désormais de la publication rapide des décrets, condition indispensable pour qu’elle se traduise en actions concrètes sur le terrain.
Le Lot-et-Garonne, premier département à formaliser un comité dédié
La première initiative clairement documentée et probablement initié comme un exemple concret est celle du Lot-et-Garonne, annoncée publiquement le 27 novembre 2025. Sous la présidence de Sophie Borderie, le département a réuni élus, techniciens, GDSA 47, FDGDON 47, SDIS et représentants d’associations locales pour créer un comité départemental de lutte contre le frelon asiatique.
Michel Masset, sénateur à l’origine du texte de la Loi frelon, y a rappelé les grandes lignes de la loi et l’importance d’une organisation territoriale cohérente. Le collectif frelon 47, coordonné par André Saligné, a présenté un exemple significatif : la commune de Trentels a capturé sept cents fondatrices après la distribution de cinquante pièges au printemps 2025. Ce chiffre, rapporté par le sénateur, illustrerait l’intérêt d’un piégeage anticipé lorsque les actions sont planifiées et pilotées.
Une nouvelle réunion est programmée début janvier 2026, signe que le Lot-et-Garonne entend structurer rapidement la mise en œuvre du cadre départemental.
Des initiatives antérieures qui témoignent d’une longue mobilisation
Dans plusieurs territoires, des structures locales fonctionnentdéjà depuis des années, souvent en dehors de tout cadre législatif national. En Dordogne par exemple, l’association ASE 24 coordonne la lutte contre le frelon asiatique depuis 2008. Les communes et communautés de communes y adhèrent au prorata du nombre de leurs habitants. L’association détruit gratuitement des centaines de nids chaque année sur la voie publique et sur un vaste territoire, en s’appuyant sur une équipe de bénévoles et le financement des communes et des particuliers. Il s’agit de l’une des structures locales les plus actives du pays, qui opère discrètement et existe sans la participation officielle des apiculteurs d’ailleurs.
Ce genre d’initiative montre que, faute jusqu’ici de pilotage national, des réseaux associatifs ont assuré une grande partie de la charge opérationnelle. La loi invite désormais les départements à reconnaître et intégrer ces expériences, comme le souligne l’éditorial de la Fnosad-LSA : un plan efficace ne pourra se déployer qu’en tenant compte des organisations déjà en place (voir les références).
Des conséquences directes pour les apiculteurs
Les apiculteurs affrontent chaque été les mêmes effets : colonies bloquées sur la planche d’envol puis confinées dans la ruche, baisse ou aucune activité des butineuses, affaiblissement du couvain sous la pression constante des frelons stationnaires. Les témoignages relayés par les organismes sanitaires apicoles décrivent une intensification de cette pression entre août et novembre selon les régions.
La mise en place d’un pilotage départemental doit apporter une réponse structurée qui manque jusqu’ici. Dans les zones où un comité ou une coordination existe déjà, les signalements sont traités plus rapidement, les priorités mieux définies et les interventions mieux coordonnées. Cette cohérence est indispensable pour réduire la prédation à un moment où les colonies préparent la fin de saison.
Un changement de méthode qui amorce une nouvelle phase
L’adoption de la loi frelon et les initiatives locales qui émergent — ou se renforcent — montrent que la France entre dans une phase plus organisée de la lutte contre Vespa velutina. Les nombreuses publications sur le sujet soulignent que ce combat s’inscrit désormais dans une stratégie publique, où la protection des abeilles et la restauration des écosystèmes ne peuvent plus être dissociées.
La réussite dépendra de la publication rapide des décrets, de l’engagement des communes, départements et des régions et de la capacité à financer durablement la prévention et la destruction des nids. Les apiculteurs attendent ces avancées avec vigilance - mais doivent aussi être acteur - car l’efficacité de la lutte conditionnera une part de plus en plus importante de la santé des colonies d’abeilles dans les années à venir.
Références
Sources institutionnelles et associatives utilisées :
UNAF – Union Nationale de l’Apiculture Française
– « Édito : Nos victoires ! » (Christian Pons, Président de l’UNAF), revue UNAF, mars–avril 2025.
– « Adoption à l’unanimité de la loi contre le frelon asiatique », communiqué UNAF, mars 2025.
Fnosad-LSA
– Éditorial signé Louis Pister (Président de la Fnosad-LSA), revue La Santé de l’Abeille, mars–avril 2025, n°326.
– Analyse des moyens actuels de lutte, du rôle des GDSA et du futur cadre départemental.
Déclaration publique de Michel Masset (Sénateur du Lot-et-Garonne)
– Message Facebook du 27 novembre 2025 annonçant la création du comité départemental et rapportant les chiffres liés à l’action de Trentels.
ASE 24 – Frelon-Asiatique24 (Dordogne)
– Site officiel : https://www.frelon-asiatique24.fr
Loi n°2025-237 du 14 mars 2025 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051329052



Espérons que l'abeille existe encore quand le plan sera en place :-(