La cire devient un risque sanitaire pour les abeilles
đą BrĂšves | Comprendre lâampleur de la contamination des cires et ses effets mesurĂ©s sur la santĂ© des colonies selon le rapport dâexpertise collective de lâAnses en novembre 2025.
Le rapport de lâAnses - Contamination et adultĂ©ration des cires dâabeilles : risque pour la santĂ© des abeilles - publiĂ© en novembre 2025 dresse un panorama complet de la cire dâabeille, de ses usages et des risques liĂ©s Ă sa contamination. Ce document rappelle que la cire, produite par les ouvriĂšres et utilisĂ©e pour construire les rayons destinĂ©s au couvain et aux produits de la ruche, occupe une place stratĂ©gique dans la vie de la colonie. Sa composition Ă dominante lipidique favorise lâabsorption et le stockage de nombreuses substances chimiques.
đĄPour vous dĂ©sabonner de la rubrique đą BrĂšves, rendez-vous sur votre compte d'abonnĂ© đ§âđ» Les cadres de corps, conservĂ©s plusieurs annĂ©es, deviennent ainsi des matrices mĂ©moires oĂč sâaccumulent les traces de traitements vĂ©tĂ©rinaires, de produits phytopharmaceutiques et dâautres contaminants rencontrĂ©s au fil des saisons. Cette capacitĂ© Ă fixer durablement des rĂ©sidus transforme progressivement la cire en vecteur dâexposition pour le couvain et les abeilles adultes.
Le rapport insiste sur un point structurel : la France importe plus de trois cents tonnes tonnes de cire par an (destinĂ© Ă lâapiculture) pour une production nationale de quatre cents tonnes. Lâabsence de normes prĂ©cises pour la cire destinĂ©e Ă lâusage apicole crĂ©e un vide rĂ©glementaire. Aucun seuil de rĂ©sidus nâencadre la qualitĂ© des intrants introduits dans les ruches. La traçabilitĂ© repose sur les certificats sanitaires des lots importĂ©s⊠sans contrĂŽle analytique obligatoire Ă lâarrivĂ©e. Dans ce contexte, les mĂ©langes de provenances variĂ©es compliquent lâidentification des dangers et limitent la capacitĂ© dâaction des apiculteurs.
LâANSES en bref
LâANSES est lâAgence nationale de sĂ©curitĂ© sanitaire de lâalimentation, de lâenvironnement et du travail. Cet organisme public indĂ©pendant Ă©value les risques qui concernent la santĂ© humaine, animale et vĂ©gĂ©tale. Il produit des expertises scientifiques utilisĂ©es par les pouvoirs publics pour orienter les dĂ©cisions rĂ©glementaires. Dans le domaine apicole, lâANSES analyse lâimpact des contaminants, Ă©tudie les maladies et coordonne plusieurs laboratoires de rĂ©fĂ©rence dĂ©diĂ©s Ă la santĂ© des abeilles. https://www.anses.fr/fr
Une contamination gĂ©nĂ©ralisĂ©e rĂ©vĂ©lĂ©e par trois enquĂȘtes
LâAnses sâappuie sur trois jeux de donnĂ©es : les autocontrĂŽles anonymisĂ©s de cinq ciriers, lâĂ©tude Cimeqa menĂ©e entre 2021 et 2023 auprĂšs dâapiculteurs professionnels, et lâĂ©tude ITSAP/Anses ciblant les cires utilisĂ©es par les apiculteurs de loisir. Lâensemble forme un socle solide permettant de caractĂ©riser la qualitĂ© des cires circulant en France.
Toutes les analyses convergent vers un constat fort : la contamination est quasi systĂ©matique. Les autocontrĂŽles des ciriers recensent entre zĂ©ro et trente-quatre substances par Ă©chantillon, avec une mĂ©diane de dix. LâĂ©tude Cimeqa indique que 95,7 % des Ă©chantillons sont contaminĂ©s. Dans lâĂ©tude ITSAP/Anses, la proportion atteint 100 %. Les substances les plus frĂ©quentes sont le tau-fluvalinate, le coumaphos et le propargite, auxquels sâajoutent des pyrĂ©thrinoĂŻdes, des organochlorĂ©s et parfois le thymol, prĂ©sent dans plus de huit Ă©chantillons sur dix lorsque recherchĂ©.
La prĂ©sence de molĂ©cules pourtant interdites ou non utilisĂ©es depuis des annĂ©es, comme le DDT ou certains isomĂšres du HCH, illustre la persistance de ces composĂ©s lipophiles. LâĂ©tude ITSAP/Anses montre Ă©galement que les cires issues du commerce prĂ©sentent un niveau de contamination plus Ă©levĂ© que celles provenant dâapiculteurs professionnels en autorenouvellement. Le rapport souligne enfin que les cires strictement françaises sont moins chargĂ©es que les cires dâorigine mixte ou extracommunautaire, mĂȘme si lâimpossibilitĂ© de distinguer les flux importĂ©s des flux internes limite lâanalyse statistique.
Des voies dâexposition multiples pour la colonie
Selon le rapport, les abeilles sont exposĂ©es aux rĂ©sidus prĂ©sents dans la cire par contact direct, par ingestion lors du malaxage ou par transfert vers les aliments stockĂ©s. La migration des molĂ©cules depuis la cire vers le miel, le pain dâabeilles ou le couvain est documentĂ©e par plusieurs Ă©tudes analysĂ©es par lâAnses. La lipophilie, la solubilitĂ© ou encore la stabilitĂ© chimique dĂ©terminent la capacitĂ© dâune substance Ă passer dâune matrice Ă lâautre.
Le document rappelle aussi que le pipĂ©ronyl butoxide, dĂ©tectĂ© dans plus des trois quarts des Ă©chantillons de lâĂ©tude ITSAP/Anses, agit comme synergisant de nombreux pyrĂ©thrinoĂŻdes, amplifiant ainsi la toxicitĂ© globale du mĂ©lange. Pour lâheure, lâĂ©valuation repose sur des modĂšles additifs qui ne prennent pas en compte les interactions complexes entre les molĂ©cules, faute de donnĂ©es suffisantes.
Des effets documentés sur le couvain et la colonie
Le rapport sâappuie sur un corpus bibliographique attestant dâeffets mesurables de certains contaminants aux doses retrouvĂ©es dans la cire. Une Ă©tude repĂ©rĂ©e dans les travaux analysĂ©s signale une corrĂ©lation entre la prĂ©sence de chlorfenvinphos dans la cire et une mortalitĂ© hivernale plus Ă©levĂ©e. Dâautres recherches indiquent que des teneurs dâenviron 30 mg/kg de coumaphos rĂ©duisent les taux dâĂ©closion et provoquent des anomalies de dĂ©veloppement larvaire. Des travaux plus rĂ©cents montrent que des substances comme la chlorpyriphos-Ă©thyl ou lâacrinathrine modifient lâexpression de gĂšnes liĂ©s Ă lâimmunitĂ© et Ă la dĂ©toxication.
Le rapport mentionne Ă©galement un effet indirect important : la prĂ©sence continue dâacaricides dans la cire exerce une pression de sĂ©lection sur Varroa destructor, favorisant lâapparition de populations moins sensibles aux traitements. Ce mĂ©canisme explique en partie la baisse progressive dâefficacitĂ© observĂ©e pour certaines matiĂšres actives.
Une évaluation du risque qui interpelle les pratiques apicoles
Lâoutil Bee Tox Wax, prĂ©sentĂ© dans le rapport et dĂ©veloppĂ© par lâUniversitĂ© de LiĂšge, permet de calculer un quotient de risque (QR) fondĂ© sur les concentrations mesurĂ©es et les DL50 connues. Les analyses montrent que les lots dâorigine extraterritoriale ou mĂ©langeant plusieurs provenances prĂ©sentent les scores les plus Ă©levĂ©s. Aucune cire issue de mĂ©langes UE/hors UE nâaffiche un QR infĂ©rieur au seuil de 250, considĂ©rĂ© comme compatible avec un usage apicole. Les cires provenant dâapiculteurs en autorenouvellement obtiennent des valeurs nettement plus favorables, confirmant lâintĂ©rĂȘt dâun circuit fermĂ© basĂ© sur des opercules non exposĂ©s aux traitements acaricides.
Pour lâAnses, ces rĂ©sultats renforcent lâimportance des pratiques recommandĂ©es dans le Guide de bonnes pratiques apicoles : renouvellement rĂ©gulier des cadres du corps, recyclage des seuls opercules, fonte sĂ©parĂ©e des cires selon leur usage antĂ©rieur et identification systĂ©matique des lots. Le Plan dâactions Cire, initiĂ© en 2018 mais non encore publiĂ©, vise Ă structurer la filiĂšre autour de ces exigences, notamment en matiĂšre de traçabilitĂ© et de contrĂŽle.
Lâanalyse fournie par lâAnses dĂ©montre que la cire nâest pas un simple matĂ©riau de construction mais un vecteur dĂ©terminant dans lâexposition chronique des colonies aux rĂ©sidus chimiques. Sâappuyer sur cette connaissance, rĂ©organiser ses pratiques de recyclage et sĂ©curiser lâapprovisionnement constituent dĂ©sormais des conditions indispensables pour maintenir des colonies en bonne santĂ© dans un environnement oĂč les rĂ©sidus persistants restent omniprĂ©sents.
Article rĂ©digĂ© exclusivement Ă partir du rapport de lâAnses « Contamination et adultĂ©ration des cires dâabeilles : risques pour la santĂ© des abeilles » (novembre 2025), seule source utilisĂ©e. https://www.anses.fr/system/files/SABA2022-AUTO-0050-RA.pdf
Références
Contamination et adultĂ©ration des cires dâabeilles : risque pour la santĂ© des abeilles - Avis de lâAnses - Rapport dâexpertise collective - Novembre 2025 : https://www.anses.fr/system/files/SABA2022-AUTO-0050-RA.pdf
Guide de bonnes pratiques apicoles, ITSAP : https://bonnes-pratiques.itsap.asso.fr/wp-content/uploads/2018/09/ITSAP-GBPA-MAJ_2018-Intro-Web.pdf
Etude Cimeqa menée entre 2021 et 2023; ADA, ITSAP : https://www.adaoccitanie.org/cimeqa/
Etude ITSAP/Anses, Dossier spécial cire 2024 : https://itsap.asso.fr/articles/dossier-special-projet-cimeqa
BeeToxWax : un outil dâĂ©valuation de la toxicitĂ© des cires :
https://www.beetools.uliege.be/beetoxwax/





Oui, objectif devenir autonome en cire, mais pas si facile !
Merci