Aethina tumida : une menace grandissante
#23 | Vie de la ruche | Resto & Véto | En juillet 2022, un foyer a été confirmé dans un rucher à La Réunion.
L'apiculture européenne est confrontée à de nombreux défis, l'un d'entre eux est l’arrivée du petit coléoptère de la ruche, Aethina tumida. Originaire d'Afrique subsaharienne, ce parasite a été signalé pour la première fois en dehors de son territoire en Amérique du Nord dans les années 1990, causant d'importants dégâts dans les colonies d'abeilles aux États-Unis, puis au Canada et s’est répandu à travers le monde, en Océanie, en Asie.
De quoi parlons-nous
Dans son environnement d'origine, le petit coléoptère de la ruche coexiste depuis longtemps avec les abeilles africaines. Contrairement aux abeilles européennes, les abeilles africaines ont développé des mécanismes de défense efficaces contre ce parasite. Elles sont connues pour être plus agressives et promptes à réagir face à la présence du coléoptère, en le chassant ou en le confinant dans des zones de la ruche où il ne peut pas causer de dégâts importants.
Le cycle de vie d'Aethina tumida est particulièrement adapté à cet environnement tropical. Les adultes pondent leurs œufs dans la ruche, et une fois éclos, les larves se nourrissent de miel, de pollen et de cire. Une fois le stade larvaire terminé, elles quittent la ruche pour s'enfouir dans le sol et se nymphoser, un processus facilité par les sols chauds et sableux de l'Afrique subsaharienne. Les adultes émergent ensuite du sol et réintègrent les ruches pour se reproduire, bouclant ainsi leur cycle de vie.
En Afrique, la coévolution entre Aethina tumida et les abeilles a permis de maintenir un équilibre naturel, limitant l'impact du coléoptère sur les colonies. Cependant, ce n'est pas le cas lorsqu'il est introduit dans d'autres régions où les abeilles locales n'ont pas les mêmes stratégies de défense et où les conditions environnementales peuvent également faciliter la prolifération du coléoptère.
“Aethina tumida in a hive” - Nicolas Vidal-Naquet
Présence en Europe : la France sous vigilance
Aethina tumida a fait son apparition en Europe, avec des signalements en Italie en 2014, notamment dans la région de la Calabre, où l'insecte s'est propagé de manière sporadique. Ces premières incursions ont déclenché une vigilance accrue dans toute l'Union européenne. En France, bien que le petit coléoptère n'ait pas encore été détecté sur le territoire métropolitain, les autorités apicoles et les apiculteurs redoublent de vigilance pour prévenir toute invasion. Des inspections régulières et des protocoles stricts de surveillance des importations sont en place pour minimiser les risques d'introduction. En juillet 2022, un foyer a été confirmé dans un rucher à La Réunion (hors Europe, mais département Français).
Comprendre la menace : pourquoi Aethina tumida est dangereux
Malgré sa taille relativement petite, ce coléoptère constitue une menace significative pour la santé et la viabilité des colonies d'abeilles occidentales (en particulier) qui ne savent pas contenir l’intrus. Les larves d'Aethina tumida, caractérisées par leur voracité, consomment le miel, le pollen et la cire, qui sont des ressources essentielles pour la colonie. Cette consommation entraîne des conséquences néfastes : elle prive non seulement les abeilles de leurs réserves nutritionnelles cruciales, mais provoque également la fermentation du miel restant. Ce processus de fermentation compromet la qualité du miel et génère des odeurs désagréables, rendant l'environnement de la ruche inhospitalier pour ses occupantes.
L'infestation par Aethina tumida induit un état de stress persistant et intense au sein de la colonie. Les abeilles, constamment vigilantes face à cette menace, subissent des perturbations comportementales et une diminution de leur immunité. Cette situation de stress prolongé, associée à la détérioration de leur habitat et à l'épuisement de leurs ressources, peut avoir des répercussions graves. Dans les cas les plus sévères, les colonies, affaiblies et déstabilisées, peuvent succomber à l'infestation. Dans certains cas, dans une tentative ultime de survie, elles peuvent opter pour l'abandon total de leur ruche, laissant derrière elles un environnement détérioré et impropre à une future occupation.
Mesures de lutte et de prévention
La lutte contre Aethina tumida repose principalement sur la prévention et la détection précoce. Les mesures incluent :
Contrôles des importations : Vérification stricte des ruches et des équipements importés.
Inspections régulières des ruchers par les services vétérinaires.
Pièges spécifiques (voir encadré 💡) à installer dans les ruches pour capturer les coléoptères adultes.
Destruction des ruches infestées en cas de détection confirmée, une mesure drastique mais nécessaire pour empêcher la propagation.
En matière de lutte biologique, des recherches sont en cours pour développer des méthodes durables et non chimiques pour réduire la population de coléoptères sans nuire aux abeilles.
💡Les pièges spécifiques pour capturer Aethina tumida sont des dispositifs conçus pour réduire la population de coléoptères adultes dans les ruches et aider à contrôler leur prolifération. Ces pièges exploitent le comportement naturel du coléoptère, qui cherche à se cacher dans des espaces sombres et étroits. Voici un aperçu des types de pièges et de leur fonctionnement :
Pièges à huile
Ce type de piège est souvent inséré entre les cadres de la ruche ou placé au fond de la ruche. Il est constitué de petites boîtes ou de plateaux remplis d'huile (comme de l'huile minérale) qui attirent les coléoptères. Lorsqu'ils tentent de s'y cacher, ils tombent dans l'huile et se noient. Ces pièges sont efficaces car l'huile empêche les coléoptères de s'échapper une fois piégés.
Pièges en plastique perforé
Ces dispositifs, faits de plastique, comportent de petites ouvertures qui permettent aux coléoptères de pénétrer mais pas de sortir. L'intérieur est conçu pour être attrayant, souvent sombre et étroit, reproduisant un environnement sûr pour eux. Une fois entrés, les coléoptères restent piégés.
Pièges intégrés au fond de la ruche (fond de ruche piège)
Ces pièges se placent directement sous la ruche, dans la partie inférieure, et permettent de capturer les coléoptères adultes lorsqu'ils tentent de se déplacer vers le bas de la ruche pour s'abriter ou pondre. Certains modèles de fond de ruche piège combinent des grilles qui laissent passer les coléoptères mais pas les abeilles, avec un bac contenant un liquide de capture, comme de l'huile ou une solution savonneuse.
Pièges à appâts
Certains pièges peuvent être équipés d'appâts spécifiques qui attirent Aethina tumida. Ces appâts sont souvent fabriqués à partir de produits sucrés ou fermentés qui imitent l'odeur du miel fermenté, un attrait naturel pour le coléoptère.
Pièges à bases adhésives
Les pièges adhésifs fonctionnent en attirant les coléoptères qui finissent par s'y coller. Ils sont placés stratégiquement à l'intérieur de la ruche, souvent dans les coins ou les interstices où le coléoptère aime se cacher.
Face à la menace potentielle qu'Aethina tumida représente pour l'apiculture, la France et d'autres pays européens restent en alerte. Le défi consiste non seulement à éviter l'implantation de cet envahisseur, mais aussi à renforcer la résilience des colonies d'abeilles déjà sous pression des autres parasites, comme le varroa. L'engagement des apiculteurs, des chercheurs et des autorités est essentiel pour préserver la santé de nos ruches et la biodiversité qui en dépend.
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Résumé
Aethina tumida, le petit coléoptère de la ruche, est une menace croissante pour l'apiculture européenne.
Originaire d'Afrique subsaharienne, ce parasite s'est propagé dans le monde, causant des dégâts importants aux colonies d'abeilles.
Présent en Italie depuis 2014 et à La Réunion depuis 2022, le coléoptère n'a pas encore été détecté en France métropolitaine.
Les larves d'Aethina tumida consomment les ressources de la ruche, provoquant stress et affaiblissement des colonies.
La prévention et la détection précoce sont essentielles, incluant des contrôles stricts et des inspections régulières.
Des pièges spécifiques et des mesures de lutte biologique sont en développement pour contrôler la population de coléoptères.
La vigilance et la collaboration entre apiculteurs, chercheurs et autorités sont cruciales pour protéger les abeilles et la biodiversité.
Références
Dépliant du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire sur Aethina tumida. https://agriculture.gouv.fr/telecharger/90342
Image en-tête : This image is Image Number 5025046 at Insect Images, a source for entomological images operated by The Bugwood Network at the University of Georgia and the USDA Forest Service.